Une naissance par césarienne peut appauvrir le microbiote intestinal d’un bébé, avec des conséquences possibles sur sa santé future. Mais plusieurs études récentes ont évoqué une piste prometteuse : mettre votre bébé en contact avec les « bonnes » bactéries de votre microbiote, comme s’il naissait par voie basse, grâce à une simple compresse stérile imbibée de vos sécrétions vaginales. L’ensemencement vaginal, une révolution des pratiques en perspective dans les maternités ? Voici ce que vous devez savoir pour éventuellement le demander si vous devez accoucher par césarienne.
Infos importantes sur l’ensemencement vaginal
Si vous ne savez pas encore ce que c’est, l’ensemencement vaginal n’a rien de bien compliqué.
Ce n’est ni un acte chirurgical, ni une nouvelle prouesse de la médecine moderne. C’est une simple compresse de gaze stérile qu’on vient frotter à l’entrée de votre vagin juste avant votre accouchement, pour ensuite la passer sur la bouche, le nez et les orifices de votre bébé au moment de sa naissance.
Ce geste tout simple, qui ne coûte rien aux équipes médicales, ni argent ni temps supplémentaire, pourrait offrir aux bébés nés par césarienne une protection contre de nombreux problèmes de santé tout au long de leur vie.
Quand on sait qu’en France, une femme sur cinq accouche par césarienne (1), est-ce qu’on ne devrait pas être mieux informées des conséquences que ce mode d’accouchement peut avoir sur nos bébés ?
Je vais commencer par vous parler de celles qui ont été identifiées. Avant de vous expliquer en quoi consiste l’ensemencement vaginal, qui grâce aux nouvelles recherches menées sur ce sujet, deviendra je l’espère bientôt un geste automatique dans tous les blocs opératoires des maternités.
Les conséquences méconnues de la césarienne sur la santé des bébés
Depuis plusieurs années, on sait que les bébés nés par césarienne ne reçoivent pas les mêmes microbes protecteurs que les bébés nés par voie vaginale (2).
Quand un bébé naît par voie basse, il est exposé à des bactéries utiles qui construisent son système immunitaire pour le protéger de nombreuses maladies, et le même effet ne se produit pas pendant un accouchement par césarienne.
Plusieurs études (3, 4, 5) ont montré un lien entre la naissance par césarienne et plusieurs problèmes de santé chez les enfants, telles que l’obésité, les allergies respiratoires ou encore les maladies inflammatoires du système digestif :
– D’après une récente étude américaine basée sur 10 000 enfants, les bébés nés par césarienne auraient 2 fois plus de risque d’être en surpoids que ceux nés par voie basse.
– Accoucher par césarienne multiplierait également par cinq le risque d’allergie respiratoire aux 2 ans de l’enfant.
– Et enfin, plusieurs études ont lié la naissance par césarienne a un risque accru d’allergies et intolérances alimentaires.
Le rôle des « bonnes » bactéries présentes dans le vagin
Pour comprendre ce phénomène, penchons nous sur le fonctionnement de notre microbiote intestinal, qu’on connaît aussi sous le nom de flore intestinale.
Il s’agit de l’ensemble des bactéries qui se trouvent dans notre corps : tube digestif, vagin, peau… On ne devrait parler du microbiotes, mais DES microbiotes qui contiennent une grande diversité de micro-organismes qui jouent un rôle crucial pour le maintien de notre santé.
A la naissance, chaque individu possède un microbiote qui va évoluer tout au long de sa vie. Ces différentes bactéries sont nécessaires à notre survie.
Lorsqu’il naît par voie basse, le bébé ingère les bactéries présentes dans le vagin de sa maman. La composition de son microbiote est ainsi très proche du milieu vaginal de sa maman et les bactéries qu’elle lui transmet ont un effet protecteur sur son système immunitaire.
Ce qui n’est pas le cas lors d’un accouchement par césarienne. La flore intestinale du bébé né par césarienne est moins riche en bonnes bactéries que celle du bébé né par voie basse.
La composition de son microbiote est modifiée et, à terme, cela influe sur son système immunitaire qui devient moins protecteur contre certaines maladies digestives ou respiratoires.
Pourquoi demander un ensemencement vaginal, et comment ca peut aider votre bébé ?
Depuis peu, il existe un moyen prometteur de rétablir cette inégalité entre les bébés nés par césarienne et ceux nés par voie basse.
Une première étude menée par l’Université de médecine de New York (6) a montré qu’un simple frottis vaginal, appelée ensemencement vaginal, pouvait donner aux bébés nés par césarienne les bonnes bactéries de sa maman, qu’il aurait ingéré s’il était né par voie basse.
Dans cette étude pilote, qui a été publiée dans la revue Nature Medicine, les chercheurs ont étudié 18 nouveaux-nés et leurs mamans, dont sept ont accouché par voie basse, et 11 par césarienne programmée.
Quatre des bébés nés par césarienne ont ensuite été exposés à des sécrétions vaginales de leurs mamans dans les deux minutes suivant leur naissance.
Plus précisément, leurs bouches, visages et corps ont été frottés avec une compresse de gaze stérile qui avait été laissée dans le vagin de leur maman pendant une heure avant leur naissance.
Puis, six fois au cours du premier mois de la vie, les chercheurs ont recueilli des échantillons oraux et anaux de la peau de ces mamans et de leur bébé.
Le résultat était édifiant : la composition microbienne des quatre bébés nés par césarienne qui avaient reçu un frottis de leur maman ressemblaient à celle des bébés nés par voie vaginale, contrairement à celle des bébés non exposés.
Même si le nombre de sujets étudiés est petit, les résultats de cette étude ont été confirmés par de nouvelles recherches publiées au cours des 10 dernières années.
Parmi ces travaux, j’aimerais citer une étude menée triple-aveugle publiée en juillet 2023 dans la prestigieuse revue Cell Host & Microbe qui a révélé des résultats stupéfiants. (7)

Dans cette étude, 68 nouveau-nés nés par césarienne ont été répartis en deux groupes :
– l’un a reçu une compresse imbibée des sécrétions vaginales de leurs mamans sur la bouche, la peau et les orifices – comme s’il avait, naturellement, traversé le canal vaginal.
– l’autre a reçu une compresse stérile imbibée de solution saline (groupe contrôle).
– Un troisième groupe de 33 bébés nés par voie basse a servi de comparaison.
Résultats : +10 % de développement neurocognitif à 6 mois
À l’âge de 6 mois, les bébés ayant reçu un ensemencement vaginal présentaient un score de développement neurocognitif (ASQ-3) supérieur de 10,1 % à celui des bébés nés par césarienne sans ensemencement vaginal.
Et ce n’est pas tout : les scores étaient également meilleurs dès 3 mois, avec des écarts significatifs dans les domaines :
– communication (+8,4 points)
– motricité globale (+5,4 points)
– motricité fine et habiletés sociales (à 6 mois)
Autrement dit, le simple fait de rétablir le contact du bébé avec les bactéries vaginales de sa mère améliore son développement dès les premiers mois.
Le microbiote intestinal restauré
Pour tenter d’expliquer ces bénéfices , les chercheurs ont analysé la flore intestinale des bébés pendant les 6 premières semaines de vie.
Résultats :
– À 30 jours, le microbiote intestinal des bébés ensemencés contenait 8 fois plus de bactéries vaginales que celui des bébés témoins (3,3 % contre 0,4 %)
– À 42 jours, la proportion montait à 4,1 % contre 1,7 %.
Leur flore ressemblait fortement à celle des bébés nés par voie basse. Cela suggère que l’ensemencement vaginal permet de « réinitialiser » le microbiote intestinal, ce système immunitaire en formation qui influence toute la vie future.
Des métabolites protectrices du cerveau
Les chercheurs ont également trouvé dans les selles des bébés qui avaient bénéficié d’un ensemencement vaginal une présence accrue de métabolites bénéfiques pour leur développement cérébral :
– L-lactate, produit par les bactéries lactiques (Lactobacillus)
– Carnosine, aux propriétés antioxydantes et neuroprotectrices ;
– Tartarique, xylulose, glycine, associés à la mémoire et la croissance neuronale.
Ces substances sont absentes ou en très faible quantité dans le microbiote des bébés nés par césarienne qui n’ont pas reçu d’ensemencement vaginal.
L’ensemencement vaginal : une pratique sûre (et sans effets secondaires graves)
Et la sécurité dans tout ça ? A priori, aucune inquiétude à avoir.
Une revue de la littérature publiée en 2025 (8) a montré qu’aucune étude menée sur l’ensemencement vaginal après une césarienne n’a rapporté d’effet indésirable grave lié à la procédure.
Les protocoles rigoureux intègrent un dépistage systématique des infections maternelles, et dans les essais encadrés, la pratique est considérée comme sûre.
Toutefois, les auteurs soulignent que les données à long terme restent encore limitées. Si les bénéfices sur le microbiote et le neurodéveloppement sont désormais bien documentés, les effets sur les risques de maladies métaboliques, allergiques ou inflammatoires à plus long terme (obésité, asthme, diabète, etc.) doivent encore être évalués dans des essais cliniques de plus grande ampleur, actuellement en cours.
Comment faire un ensemencement vaginal si vous devez accoucher par césarienne ?

S’il accepte de pratiquer un ensemencement vaginal (et rien ne l’en empêche), votre médecin ou sage-femme pourra recueillir un prélèvement vaginal et l’essuyer sur la peau de votre bébé et dans sa bouche pour contribuer à lui créer un microbiote sain et diversifié.
Une autre option est d’appliquer cet ensemencement vaginal directement sur vos mamelons avant de mettre votre bébé au sein pour la première fois.
Si vous ne pouvez pas bénéficier de ce geste lors de la naissance de votre bébé par césarienne, sachez qu’il vous reste l’allaitement.
Allaiter votre bébé participe aussi à construire un microbiote sain pour votre bébé, notamment en construisant une protection sur le développement des allergies chez l’enfant de moins de 2 ans (8).
Ce simple geste peut vous paraître étrange, surtout si vous n’en aviez jamais entendu parler, mais il n’est certainement pas plus étrange que la façon dont le transfert de bonnes bactéries se produit lors d’un accouchement par voie basse, où la bouche et le nez du bébé sont entièrement en contact avec les bactéries du vagin de sa maman.
Si vous devez vivre un accouchement par césarienne, j’espère que cet article vous amènera des éléments sérieux et des preuves scientifiques pour pouvoir en discuter avec votre sage-femme ou gynécologue.
Qui sait si dans quelques années, on ne se souviendra pas de vous dans les salles d’accouchement comme la pionnière en la matière ?!
Et vous ? Aviez-vous déjà entendu parler de l’ensemencement vaginal ? Saviez-vous que les bébés nés par césarienne avaient plus de chances d’avoir des problèmes de santé, de développement et des allergies que les bébés nés par voie basse ? Vous en avait-on informée ? Partagez votre expérience avec nous dans les commentaires ci-dessous !
Anne-Laure Wright
Sources utilisées pour cet article sur l’ensemencement vaginal
- http://sante.lefigaro.fr/actualite/2015/03/09/23486-cesarienne-disparites-injustifiees-europe
- Dominguez-Bello MG, Costello EK, Contreras M, Magris M, Hidalgo G, Fierer N, Knight R, “Delivery mode shapes the acquisition and structure of the initial microbiota across multiple body habitats in newborns”, Proceedings of the National Academy of Sciences of the USA, 2010. Trouvé sur : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/20566857
- Thavagnanam S, Fleming J, Bromley A, Shields MD, Cardwell CR, “A meta-analysis of the association between Caesarean section and childhood asthma”, Clin Exp Allergy, 2008. Trouvé sur : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/18352976
- Eggesbo M, Botten G, Stigum H, Nafstad P, Magnus P, “Is delivery by cesarean section a risk factor for food allergy ?”, The Journal of Allergy and Clinical Immunology, 2003. Trouvé sur :https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/12897751
- Yuan C, Gaskins AJ, Blaine AI, Zhang C, Gillman MW, Missmer SA, Field AE, Chavarro JE, “Association Between Cesarean Birth and Risk of Obesity in Offspring in Childhood, Adolescence, and Early Adulthood”, JAMA Pediatrics, 2016. Trouvé sur : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27599167
- Dominguez-Bello M, De Jesus-Laboy KM, Shen N, Cox LM, Amir A, Gonzalez A, Bokulich NA, Jin Song S, Hoashi M, Rivera-Vinas JI, Mendez K, Knight R & Clemente J, “Partial restoration of the microbiota of cesarean-born infants via vaginal microbial transfer”, Nature Medicine, 2015. Trouvé sur : http://www.nature.com/nm/journal/v22/n3/full/nm.4039.html
- Zhou L, Qiu W, Wang J, Zhao A, Zhou C, Sun T, Xiong Z, Cao P, Shen W, Chen J, Lai X, Zhao LH, Wu Y, Li M, Qiu F, Yu Y, Xu ZZ, Zhou H, Jia W, Liao Y, Retnakaran R, Krewski D, Wen SW, Clemente JC, Chen T, Xie RH, He Y. Effects of vaginal microbiota transfer on the neurodevelopment and microbiome of cesarean-born infants: A blinded randomized controlled trial. Cell Host Microbe. 2023 Jul 12;31(7):1232-1247.e5. doi: 10.1016/j.chom.2023.05.022. Epub 2023 Jun 15. PMID: 37327780.
- Kull I, Wickman M, Lilja G, Nordvall SL, Pershagen G, “Breast feeding and allergic diseases in infants-a prospective birth cohort study”, Archives of Disease in Childhood, 2002. Trouvé sur : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/12456543
Avertissement : En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site de Naturelle maman et dans cet article sur l’ensemencement vaginal ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un gynécologue, une sage-femme ou autre professionnel de la périnatalité, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé.
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