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Bonjour et bienvenue chez Naturelle maman !20 avril 2024
récit d'accouchement sans péridurale

Accouchement de Marion « Si c’était à refaire, je dirais oui sans hésiter »

Un accouchement où rien ne s’est passé comme prévu. Ni au moment prévu, ni à l’endroit prévu, et sans l’accompagnement prévu, le tout en plein confinement ! Et pourtant… Marion a vécu l’accouchement physiologique qu’elle espérait. Elle nous raconte son aventure extraordinaire et pleine de rebondissements, bien loin de l’histoire qu’elle imaginait.

« Je suis ravie d’écrire ce récit pour laisser une trace, pour ma fille et moi-même.

Egalement, je souhaite dire aux futures mamans de prendre le temps d’étudier la manière dont elles vont accoucher.

Je pense que nous sommes souvent très mal informées, et si on ne cherche pas par soi-même à comprendre les choses et à découvrir les options, on croit qu’un accouchement « classique » et médicalisé est le plus simple et le plus sûr.

L’idée n’est pas de pousser à accoucher sans péridurale, mais d’inciter à se donner le choix en connaissance de cause.

Mon but est aussi de montrer que même quand ça ne se passe pas comme prévu, il faut garder confiance en soi.

Chaque femme a les ressources pour réussir, et au final, il ne reste que le plus beau !

Notre merveille a un an.

C’est une petite brunette dodue à souhait, au regard coquin et au sourire omniprésent et ravageur.

C’est le bébé dont je rêvais !

Si j’avais dû l’imaginer une année plus tôt dans ses premières minutes de vie, elle, si menue, si fragile…

Je ne l’aurais pas devinée potelée ainsi quelques mois plus tard, et déjà en train de courir, fermement campée sur ses jambes !

Comme quoi, même – ou surtout – un bébé arrivé en avance peut épater son monde !

C’était donc il y a un an… déjà !

C’est comme si c’était hier, et mon corps encore plus que mon esprit en porte le souvenir.

Il a expérimenté des sensations uniques, qui marquent à vie.

Je peux encore ressentir le craquement de la poche des eaux, ou bien la sensation de la tête, puis du corps tout entier de mon bébé qui glissent hors de moi…

Je peux vraiment sentir tout ça dans ma chair.

La douleur ? Je m’en souviens, oui, mais je n’en ai plus la sensation.

Je peux dire que si c’était à refaire, accoucher sans péridurale, je le referais.

Je dirais même que si on me proposait de revivre le moment à l’occasion de ce premier anniversaire, je dirais oui sans hésiter.

Je me rappelle d’une conversation entre filles alors que je n’envisageais pas encore d’avoir un enfant.

Je me souviens avoir dit : « Il faut être dingue pour vouloir accoucher sans péridurale ! Pourquoi
faire le choix de souffrir alors qu’on peut simplement l’éviter ?
»

Et pourtant, une fois enceinte j’ai rapidement envisagé les choses autrement…

Porter la vie m’a donné une nouvelle conscience de mon corps.

A la fois, ce qui s’y passait restait abstrait – ce bébé que je n’arrivais pas vraiment à imaginer – et à la fois, quelque chose de miraculeux se déroulait à l’intérieur de moi et c’était dingue.

Je voulais en savoir toujours plus, alors j’ai beaucoup lu, regardé des émissions, et j’ai vite compris que vivre mon accouchement en étant à moitié anesthésiée voulait dire quelque part, devenir en partie spectatrice.

J’avais ce désir secret d’être maîtresse de mon corps, d’expérimenter cette chose, de sentir, de tester mes limites aussi, de voir si mon mental pourrait maîtriser mon corps, et puis… de laisser simplement la nature finir ce qu’elle avait commencé.

Car je le sais, en général, elle fait bien les choses.

Il y avait aussi toutes ces hormones dont je pouvais bénéficier, pourquoi m’en priver ?

Et également moins de risques à accoucher naturellement…

Et puis, ce petit être qui devait accomplir quelque chose d’extraordinairement difficile en venant au monde, je voulais l’aider, je voulais l’accompagner au maximum.

Je ne voulais pas le laisser seul se débrouiller, voire lui compliquer les choses !

Pour autant, ce n’était pas un défi en soi de réussir coûte que coûte à ne pas avoir de péridurale.

Dans mon projet de naissance j’avais noté que je déciderai le moment venu, mais que je souhaitais
essayer d’aller le plus loin possible avant de craquer, et être aidée pour ça.

Je ne doutais pas que ce serait le cas dans ma super maternité !

L’essentiel pour moi était de vivre l’instant de la meilleure des façons, en fonction du déroulement du travail, car cette fameuse douleur, je ne pouvais que l’imaginer…

Le 16 avril 2020, à 35 semaines de grossesse – Oh35 :

Nous sommes au lit, je viens d’aller aux toilettes, et je suis en train de lire pour me rendormir.

Soudain… « CRAAAC » !

Bon, ok, pas si fort en fait, mais je sens un craquement, comme une petite explosion à l’intérieur de moi !

Mais qu’est-ce que c’est mon Dieu ?

Presque immédiatement un liquide chaux arrive entre mes cuisses, je bondis alors hors du lit – ou plutôt je roule – pour ne pas l’inonder.

Antony, se réveille au son de mes « Je perds les eaux ! Je perds les eaux ! ».

Grosse flaque au sol…

Allez on s’active, on nettoie, on se change, on appelle la maternité.

Les choses sérieuses commencent ! My God, elle arrive ! Déjà !

2h05 – Allez vite, il faut y aller bon sang, on a de la route !

Je ne sais pas ce qu’on fabrique depuis plus d’une heure et demie, mais le temps file à toute allure !

En fait oui, je le sais, ce qu’on fiche, ce que je fiche plutôt.

D’abord, ça doit faire quatre fois que je me change !

Je ne savais pas du tout que j’allais perdre les eaux… sans arrêt !

Ensuite, j’ai voulu mettre une machine, je ne sais pas quand je vais revenir alors je ne vais pas laisser mes culottes et pantalons mouillés traîner comme ça.

Et puis surtout, j’ai voulu faire une dernière photo.

Je ne vous ai pas dit, mais mon métier c’est photographe.

Je me suis photographiée moi-même devant un miroir, chaque mois durant ma grossesse, et j’ai également une série de trois photos, à 3, 6 et 9 mois qui montre l’évolution de mon ventre.

Evolution du ventre de Marion à 3, 6 et 8 mois de grossesse.

Forcément pour la dernière, ce n’est pas 9 mois, c’est… maintenant… ou jamais !

Antony me prend pour une dingue, mais il s’exécute et se plie à mes directives pour m’aider à réaliser ce cliché.

Contrarier une femme sur le point d’accoucher n’est pas une bonne idée n’est-ce pas ?

Cette image est un peu différente des autres car il faut faire vite, vite, vite, avec les chutes du Niagara entre mes
jambes et le stress qui monte un poil quand même !

Heureusement ma valise est prête.

N’écoutant surtout pas les « un mois avant ça suffit », j’ai préparé ma valise il y a une bonne semaine, lorsque comme par hasard, un matin je me suis levée avec cette idée fixe en tête – en plus de celle de faire notre séance photos de couple immédiatement et pas dans un mois comme prévu – allez savoir pourquoi… !

Durant cette grosse heure à courir partout nous apprenons aussi que je n’accoucherai pas dans la maternité prévue.

Cette maternité dont je rêve, petite structure labellisée IHAB amis des bébés, un endroit tellement accueillant, où tout le monde est si bienveillant, le physiologique y est la norme et la famille y est privilégiée.

C’est un lieu qui m’a carrément donné envie d’accoucher !

Malheureusement, c’est un établissement de niveau 1.

On nous avait informés que je ne pourrai y accoucher qu’à partir de 35 semaines.

J’ai ainsi depuis le début, cette date du 16 avril en tête comme limite – aurais-je fait de la télépathie avec mon bébé et aurait-il cru que c était LA date ?

Au téléphone, je suis confiante, mais la sage-femme se renseigne, et me dit finalement que je suis tout juste à
35 semaines et qu’il vaut mieux que j’aille quelques kilomètres plus loin, au centre hospitalier de la ville
voisine – avec qui ils travaillent en lien – car, « on se sait jamais ».

Je suis déçue, mais en même temps je n’y prête pas vraiment cas, je suis étrangement plutôt sereine, ou plutôt très excitée.

Alors que d’autres seraient complètement affolées d’accoucher prématurément, dans un lieu inconnu et en plein confinement !

2h05, donc – Nous voilà enfin dans la voiture.

C’est parti pour 1h15 de route. Eh oui, habiter à la campagne a quelques désavantages…

Comme par hasard, à peine assise, ma première contraction !

Là, ça y est, ça commence vraiment !

J’enclenche mon application pour connaître durées et intervalles, et me rends tout de suite compte
que c’est du sérieux : elles sont espacées de 2 à 5 minutes, jamais plus.

J’ai eu énormément de « fausses » contractions durant ma grossesse, j’ai toujours dit – en blaguant à moitié – que mon utérus allait être sur-entraîné et expulser ce bébé en deux deux, alors je me dit que ça ne va peut être
pas traîner !

La douleur est vive, mais très supportable.

Antony ne dit rien, mais il stresse, il doit se concentrer sur la route, il fait nuit, il y a un passage dans une combe où nous n’avons pas de signal téléphonique durant presque un quart d’heure, et à chaque fois que je me tends sous une contraction, il transpire un peu plus.

Moi, ça va toujours, je crois que je plane déjà, je n’ai aucune inquiétude, je ne me pose pas de question, notre fille va naître et puis c’est tout !

Autour de 3h50 – Nous y sommes presque.

Nous suivons le panneau Urgences maternité, qui nous mène sur un parking, devant ce qui ne semble pas du tout être les urgences maternité…

Complètement déboussolés, nous nous garons, Antony va voir mais se trouve arrêté devant des portes vitrées
fermées – tout est barricadé avec le Covid !

Moi, je commence un peu à bouillir, car j’ai des contractions de plus en plus fortes.

Nous téléphonons, on nous dit de continuer plus loin, mais nous n’y voyons rien.

Il semble y avoir une sorte de passage sombre aux murs de béton, pour piétons ou pour voitures, nous ne comprenons pas !

Le stress qui monte n’aidant pas, nous finissons pas y aller à pied, je ne veux plus attendre !

Bonne idée, n’est-ce pas ?!

Me voilà trottinant comme je peux avec ma serviette de toilette mouillée coincée entre les jambes, haletante, à me plier en deux à chaque contractions.

Ouf ! ça y est, 100 mètres plus loin nous accédons au hall – désert – et sonnons.

Une dame vient nous accueillir :

« Madame, vous entrez, monsieur vous attendez ici. Comme il n’y a personne on vous permet de rester dedans, mais normalement c’est à l’extérieur – tout est fou avec ce virus ! – on vous appelle quand on aura fait des examens et qu’on en saura plus. »

De 4 à 5h environ – Me voilà avec une jeune sage-femme, je suis allongée sur une table, un monitoring sanglé au ventre.

On me prend du sang, on me fait une analyse d’urine, et surtout elle contrôle la dilatation : je suis à
1 centimètre, pas de quoi s’affoler.

On m’explique qu’on me fait des examens pour voir s’il n’y aurait pas quelque chose quelque part qui expliquerait cette rupture prématurée de la poche des eaux, et que pendant ce temps on surveille le bébé.

D’ici une heure elle vérifiera de nouveau la dilatation et on saura alors à quel rythme ça avance, mais bon…

Pour un premier bébé, j’en ai certainement pour des heures, voire la journée… voire plus, m’annonce-t-on !

J’en profite pour donner mon projet de naissance et on en discute, cette jeune femme est plutôt
agréable, je suis toujours détendue, je gère bien les contractions, je prends le temps de respirer, et le
temps passe très vite.

C’est bien plus inquiétant pour Antony qui est seul et sans réelles nouvelles…

5h à peu près – Les examens sont finis, il n’y a absolument rien d’anormal, tout va bien, je suis maintenant dilatée à 2, ça va plutôt lentement.

Je demande à aller aux toilettes, j’ai soudainement une envie très pressante !

Là, je me vide, et ça dure… et ça dure… j’ai des contractions en même temps.

Je n’ai aucune idée de combien de temps je reste enfermée dans ces toilettes, mais sûrement un moment car quelqu’un frappe à la porte pour savoir si je vais bien !

Oui, oui, ça va, c’est bon, ça y est c’est fini…

Je sors dans le couloir – calme et lugubre, le service n’a pas l’air animé cette nuit là – et je tombe sur une nouvelle sage-femme, celle qui visiblement va à présent s’occuper de moi.

Elle a l’air bien moins sympa, je ne perçois aucune chaleur humaine dans son approche.

Elle attaque direct en me disant :

« Bon alors qu’est-ce qu’on fait ? Je vous mets dans une chambre et vous y attendez quelques heures ? »

Je reste interloquée.

Pour commencer, ses phrases sont des interrogations, comme si moi, je savais ce qu’il fallait faire !

Ensuite, me mettre dans une chambre, c’est à dire ? Toute seule ?

Dans une chambre… une chambre normale ?

Et puis, Antony… « Bah il a qu’à aller dormir dans la voiture, on l’appelle quand c’est le
moment.
»

A cet instant, je suis prise d’une contraction plus violente.

Elles s’étaient déjà bien intensifiées je pense, mais avec tout ça je ne m’en étais même pas rendu compte.

Mon esprit est vraiment embrumé, je reprends mon souffle et j’ai la présence d’esprit de ne pas accepter sans
comprendre.

Je réponds alors bêtement que je ne sais pas !

Entre deux flots de douleur j’arrive à dire :

« Je ne connais pas cet hôpital, je n’avais même pas prévu d’accoucher ici, normalement je devais vivre mon travail avec mon compagnon, dans une salle nature, et accompagnée ! »

Piquée au vif, elle me rabroue presque :

« Mais ici aussi, on a une salle nature, il suffit de demander ! Et si vous voulez y aller, votre compagnon peut vous y rejoindre dès maintenant. »

Heureusement pour elle, je suis tellement soulagée que je n’épilogue pas, mais franchement, pourquoi ne pas m’avoir tout simplement proposé ça dès le départ ?

Antony me rejoint enfin, et nous entrons dans la fameuse salle nature.

Spacieuse, un grand lit surélevé, et puis tous les accessoires pour se mobiliser au maximum.

Notre sage-femme préférée nous tamise la lumière – en s’y reprenant à dix fois avec la lampe.

Mais bon sang, oui c’est très bien comme ça, filez !

Elle me donne des serviettes et s’apprête à nous laisser, lorsque j’ai une très violente contraction qui me fait voir les étoiles.

Elle s’empresse de me proposer la péridurale – il est pourtant écrit dans mon projet que je souhaite attendre le plus longtemps possible et qu’on m’aide à trouver les moyens de gérer la douleur…

Sans vraiment hésiter je refuse, je viens à peine d’arriver, je veux essayer de continuer, je ne peux pas déjà craquer !

Elle me dit d’appeler si je change d’avis, et que sinon, si je tiens « deux petites heures », il y aura une sage-femme homme qui prendra son service et il pratique l’hypnose, ça pourra m’aider – en gros, d’ici là, je dois me débrouiller !

J’aurais certainement pu lui demander de rester pour nous aider, mais je n’y pense même pas.

Ok, deux heures, allons-y, je peux faire ça.

J’ai très envie de me retrouver seule avec Antony et de profiter de ces instants ensemble.

Nous voilà enfin réunis, et maintenant les choses peuvent se dérouler comme nous l’avions imaginé.

Il va me masser le dos, je vais faire des mouvements sur le ballon, me suspendre pour étirer mon dos,
marcher, respirer, prendre des postures de yoga peut-être, et puis je veux des photos bien sûr, il ne
doit pas oublier !

Malheureusement c’est à ce moment là que les contractions s’intensifient encore plus, je suis prise de vertiges, j’ai très envie de vomir, ça ne va plus du tout.

Antony voudrait faire quelque chose, mais il ne peut même pas m’approcher, je ne peux plus m’arrêter de marcher en tous sens, je tourne comme un lion en cage, un lion blessé prêt à rugir ou à mordre !

Je me tords, je me plie, je n’arrive plus à réfléchir, ni à contrôler ma respiration.

Je crois que je suis surprise d’une telle intensité tout à coup, et je ne peux absolument rien faire pour me calmer.

En fait, avec ces péripéties je n’ai à aucun moment depuis une bonne demi-heure pu me recentrer et c’est allé trop loin, je suis dépassée !

Entre deux contractions – bien rapprochées – j’essaye le ballon, j’en ai un à la maison je sais que ça va me faire du bien.

Mais là, surprise, lorsque je m’assieds je suis traversée par une douleur fulgurante, juste… là à l’intérieur de mon bassin derrière l’endroit qui touche le ballon !

Je ne comprends pas…

Je tente alors d’aller sur le lit, mais je reste à genoux sur une marche, impossible d’avancer, je reste prostrée la tête dans les mains, je crois que je veux pleurer, mais je n’ai même pas la force, je suis à bout.

Je ne m’en suis pas aperçue, mais ça fait déjà une heure que nous sommes là et que je souffre le
martyr.

A cet instant il me revient en mémoire que j’en ai encore probablement pour très longtemps – puisque c’est ce qu’on m’a dit lors de la dernière auscultation – et je comprends, que même avec la meilleure des volontés je ne pourrai pas tenir autant.

Les mots sortent à peine de ma gorge : « Vite, demande la péridurale. »

Antony s’empresse d’y aller, et trouve notre sage-femme – plus deux autres – en train de boire son café !

Je sais qu’à ce moment-là tout aurait été différent si j’avais pu savoir où j’en étais exactement du travail, et si on m’avait épaulée.

La dimension psychologique est primordiale pour tenir, et savoir qu’on est proche du but, être encouragée, est toujours moteur.

Comment rester confiante en se sentant perdue ?

Pour moi à cet instant, la douleur allait durer des heures, et ce n’était pas possible.

Si j’avais su depuis tout ce temps que je n’étais plus à deux, ni à 3, ni à 4, mais à dilatation complète, j’aurais sûrement pu décider de m’accrocher.

Nous la suivons ainsi dans une salle d’accouchement, je me tiens debout à côté de la table, j’enlève ma robe et passe une blouse, et j’attends.

La sage-femme après être partie quelques minutes, s’affaire – tranquillement – avec une ou deux autres personnes à sortir ses « ustensiles » – j’avoue que mes souvenirs sont très flous à ce stade.

Autant l’heure précédente est passée plutôt rapidement, autant là, les secondes se figent et c’est interminable.

On ne me prête pas cas, je suis sur des charbons ardents, je ne sais plus quoi faire pour … survivre, je crois que c’est le mot !

Je n’en peux finalement plus et je lâche dans un souffle « VIIIITE ! »

Réponse : « Mais oui, mais oui, ça vient, on reste calme », sur le ton qu’on utiliserait avec lassitude envers un bambin capricieux !

Je pense que dans sa tête, elle devait se dire :

« Elle est à peine dilatée à 2 et elle fait déjà un flan ! »

Antony est à mes côtés mais je crois qu’il est sidéré de me voir dans cet état, et tellement impuissant
qu’il ne bouge pas, je le revois très vaguement, figé.

Quelques secondes plus tard, je perds complètement le sens de la réalité et un hurlement bestial sort de mes entrailles, je ne contrôle plus rien…

Ça a au moins le mérite d’attirer l’attention de la sage-femme, qui se dit sûrement « Tiens, quand même c’est bizarre », et qui a l’idée de me faire allonger histoire de regarder un peu sous ma blouse ce qu’il s’y passe !

Et là…

« Mon Dieu, vite, la tête est là, vite, mon kit d’accouchement ! Madame, surtout ne poussez pas ! »

Et voilà, en fait, je suis en train d’accoucher !

6h et des brouettes – A partir de là, pour le coup ça va plutôt vite, rien que le fait de savoir, ça va mieux.

La sage-femme cherche toujours son fameux kit avec ses gants – non mais c’est sérieux, dans une salle
d’accouchement ? – et me voilà donc les pieds dans les étriers à devoir tenir bon.

Enfin elle met ses gants et arrive.

C’est parti : « Pousseeeeez »

Je fais un aparté ici, juste pour dire qu’à ce moment là, sonnée comme je le suis je ne réalise pas du
tout que je suis en train d’accoucher en position gynécologique, alors que j’avais également spécifié dans le
projet de naissance de me proposer une position physiologique !

Je crois qu’on m’aurait demandé de faire le poirier que je ne me serais pas posé de question, mais aujourd’hui je le regrette, je pense que j’aurais vraiment apprécié de pouvoir être à genoux, ou accroupie, et j’aurais peut-être même pu attraper moi-même mon bébé…

A la décharge de la sage-femme elle n’a pas trop eu le temps de se retourner non plus – mais bon ça reste son boulot non ?

Tout ça pour dire que je crois qu’il faut vraiment prévoir clairement de charger le papa de TOUT contrôler, et surtout d’imposer si nécessaire quand nous on perd pieds !

6h11 – 44cm, 2,5kg, parfaitement développée, score d’apgar à 10, le cœur bat comme une horloge, elle
respire parfaitement, même pas besoin de couveuse !

Lou, le premier bébé de Marion et Antony, est né à 35 semaines, en plein confinement.

Il me faut trois contractions avec trois poussées chacune pour que notre merveille vienne à la vie.

Je le sens encore, je sens cette pression, mon corps s’ouvre sur sa tête, et tout à coup, c’est presque agréable, elle glisse hors de moi et la douleur s’éteint immédiatement…

On me pose un petit animal frétillant, mouillé et chaud sur mon ventre.

Elle ne pleure pas, elle est calme…

Je ferme les yeux, la serrant contre moi, elle si petite, sa tête tient dans la main.

Elle est là, notre bébé Lou !

La douleur est oubliée, je ne regrette en rien d’avoir vécu si intensément et naturellement ce moment.

Pour être absolument honnête, la seule chose qui pourrait me faire regretter de ne pas avoir eu de péridurale c’est que j’aurais aimé photographier moi-même ma fille en train de naître.

Je la garde quelques minutes, le temps que le cordon cesse de battre et qu’on puisse le couper, puis le pédiatre l’ausculte accompagné par Antony et moi j’expulse le placenta puis on me recoud car j’ai
une petite déchirure.

Ça se fait à vif, mais franchement après l’accouchement en lui-même, ce n’est pas si terrible – je prends même une photo de la sage-femme ciseaux au poings pendant ce temps là, dingo la fille oui !


Durant toute cette aventure je n’ai jamais eu peur, jamais douté malgré la prématurité, je ne sais pas l’expliquer.

Il faut dire que j’étais complètement shootée aux hormones, à la fois épuisée et dans une forme olympique, tout à fait euphorique.

Après le peau à peau et la tétée, je suis déjà à vouloir me mettre sur mes jambes, et à peine quelques heures plus tard je gambade dans l’hôpital, personne ne croit que je viens d’accoucher !

Heureusement d’ailleurs car je peux aller voir notre bébé dans le service de néonatologie où elle est avec son papa qui lui permet d’avoir depuis, un peau à peau de plusieurs heures.

Moi je plane tellement à dix milles que je ne prends pas la mesure du fait qu’elle ne soit pas avec moi et de ce qui va arriver dans les jours qui suivront…

Nous passerons, elle et moi, deux semaines en néonat où elle devra prendre des forces, apprendre à bien téter – ce qui sera notre vrai défi car elle dort beaucoup – et grossir.

Deux semaines d’isolement et de déprime totale !

Même si je me disais sans cesse que nous étions ultra chanceux qu’elle aille bien, cette période de confinement et les règles stupides qui en ont découlé, nous ont volé nos premiers jours en famille.

En effet, moi j’étais enfermée, et Antony ne pouvait venir que 4 heures par jour pour la voir, mais attention, sans me voir moi !

S’ajoute à cela le fait de devoir composer avec le personnel hospitalier pas toujours attentionné, des consignes parfois contradictoires, une montée de lait terrible, le fait que je ne dormais quasiment pas…

Ces quatorze jours furent pour moi bien plus difficiles que l’accouchement en lui-même.

Mais tout ça, c’est une autre histoire !

La sortie de la maternité a été comme une seconde naissance, je me souviendrai toujours de ce 29 avril.

J’ai versé toutes les larmes de mon corps quand j’ai su qu’on pouvait partir !

Aujourd’hui, nous fêtons ses un an, certes de nouveau confinés, mais réunis tous les trois. »

Marion Stadéroli – www.msphotographe.com

2 Comments

  1. Sacredbirthey34 Reply

    Wow quel récit vivant et décoiffant ! Ce qui m’épate le plus c’est son calme olympien alors qu’elle a dû passer par des montagnes russes d’émotions, d’imprévus, de contrariété, de panique même quand on perd les eaux à 35 semaines. mais non. Comme si une autre force s’était emparée de cette femme pour la guider dans la naissance de son bébé, c’est vraiment puissant. Merci de l’avoir partagé.

  2. Joséphine 46 Reply

    Ça ressemblait au récit d’une aventurière, presque d’une Guerrière. On ressent toute la puissance et le calme des femmes dans ses mots, c’est tellement beau !

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