Vous avez peut-être entendu parler de ces pratiques qui consistent à fabriquer un remède à partir de son placenta ? Il en existe deux : l’isothérapie placentaire en homéopathie et l’encapsulation placentaire en micronutrition. Mais qu’en est-il vraiment ? Est-ce sans danger ? Est-ce légal ? J’ai mené l’enquête sur ces pratiques controversées pour vous permettre de faire un choix éclairé.
Juste après la naissance de votre bébé (parfois 15 minutes, parfois une heure après), de nouvelles vagues de contractions vont arriver.
Moins fortes mais assez intenses pour permettre à votre corps d’accomplir un dernier exploit : l’expulsion du placenta.
Le peau à peau et la première tétée favorise ce processus en vous faisant sécréter de fortes doses d’ocytocine qui permettent à votre utérus de se contracter.
Si vous accouchez à la maternité, votre placenta sera la majorité du temps considéré comme un déchet organique et rapidement jeté.
Mais certaines sages-femmes acceptent d’en prélever un morceau pour permettre aux couples qui le souhaitent de le transformer en gélules ou en granules homéopathiques.
Ces deux techniques, l’encapsulation et l’isothérapie placentaire, font l’objet de nombreux débats.
Certaines femmes y voient une source de bienfaits pour leur santé physique et mentale, d’autres y sont réticentes ou sceptiques.
Qu’en est-il vraiment ? Quels sont les arguments pour et contre ces deux techniques de conservation et de transformation du placenta ?
Quelles sont les précautions à prendre si vous souhaitez vous lancer ? Je vous dis tout dans cet article.
Qu’est-ce que l’encapsulation du placenta ?
L’encapsulation du placenta est le processus de dessèchement du placenta et sa transformation sous forme de gélules.
Il existe deux méthodes principales pour encapsuler le placenta :
✅ La méthode crue : le placenta est nettoyé, coupé en fines tranches, déshydraté à basse température, réduit en poudre et mis dans des capsules.
✅ La méthode en médecine traditionnelle chinoise : le placenta est cuit à la vapeur avec des herbes (gingembre, piment, citron…), coupé en fines tranches, déshydraté à haute température, réduit en poudre et mis dans des capsules.
Les capsules sont ensuite conservées au réfrigérateur ou au congélateur et consommées par la mère selon un protocole personnalisé le plus tôt possible après son accouchement pour accélérer la phase de guérison.
La durée du traitement varie mais elle peut aller de quelques semaines à plusieurs mois.
Quels sont les bienfaits supposés de l’encapsulation du placenta ?
L’encapsulation du placenta est une pratique ancestrale qui remonte à la médecine traditionnelle chinoise. Elle est également pratiquée dans certaines cultures africaines, amérindiennes ou polynésiennes.
Les partisans de cette pratique lui attribuent de nombreux bienfaits, notamment :
✅ La prévention ou la réduction de la dépression du post-partum, grâce aux hormones contenues dans le placenta (progestérone, ocytocine, prolactine…), qui auraient un effet antidépresseur et favoriseraient le lien mère-enfant.
✅ La stimulation de la lactation, grâce à la prolactine, l’hormone qui déclenche la production de lait maternel.
✅ La régulation des saignements du post-partum, grâce aux agents de coagulation présents dans le placenta.
✅ La récupération physique et énergétique après l’accouchement, grâce aux nutriments (fer, zinc, vitamines…) et aux hormones (hormone de croissance, thyroïdienne…) contenus dans le placenta.
L’isothérapie placentaire : une alternative homéopathique pour profiter des vertus du placenta
Il existe une autre façon d’utiliser le placenta à des fins thérapeutiques : l’isothérapie placentaire, une méthode homéopathique qui consiste à fabriquer un remède personnalisé à partir d’un échantillon de placenta.
Qu’est-ce que l’isothérapie placentaire ?
L’isothérapie placentaire est une branche de l’homéopathie qui utilise le principe de similitude : on soigne le mal par le mal, ou plutôt par ce qui lui ressemble pour stimuler la capacité d’autoguérison de l’organisme.
L’isothérapie placentaire consiste donc à fabriquer un remède homéopathique avec un échantillon de placenta qui contient des cellules souches, des hormones, des nutriments et des anticorps. Il est donc considéré comme une source de vitalité et d’immunité pour la mère et l’enfant.
Quels sont les bienfaits supposés de l’isothérapie placentaire ?
L’isothérapie placentaire aurait de nombreux bienfaits, tant pour la mère que pour l’enfant tout au long de sa vie :
✅ Pour la maman : elle favoriserait la récupération physique et psychique après l’accouchement, en rééquilibrant les hormones, en combattant la fatigue, le stress et la dépression post-partum, en stimulant la lactation et en prévenant les infections.
✅ Pour l’enfant : il renforcerait son immunité et sa croissance, en lui apportant les anticorps et les cellules souches du placenta. Il préviendrait également les allergies, les infections ORL, les coliques et les troubles du sommeil.
Comment se déroule la préparation et la prise du remède homéopathique ?
Pour réaliser l’isothérapie placentaire, il faut prélever un morceau de placenta (environ 2 cm) juste après l’accouchement. Il faut ensuite le mettre dans un flacon stérile contenant de l’alcool à 90°. Ce flacon doit être conservé au frais et envoyé à un laboratoire homéopathique agréé dans les 48 heures.
Le laboratoire va alors fabriquer le remède selon le procédé habituel de l’homéopathie : il va diluer et dynamiser le placenta dans de l’eau distillée jusqu’à obtenir une teinture-mère. Cette teinture-mère sera ensuite utilisée pour fabriquer des granules ou des gouttes selon la dilution souhaitée.
Le remède est ensuite restitué à la mère sous forme de flacons ou de tubes contenant les granules ou les gouttes.
C’est ce qu’a vécu Stéphanie qui a fait appel au laboratoire Mentop en Allemagne : « J’ai envoyé un mail et ils m’ont répondu en français le lendemain pour m’expliquer le processus. Le tarif est de 99€ plus 8€ de shipping. Ils m’ont expliqué que je devais prélever l’équivalent d’un petit pois de mon placenta et le mettre au congélateur dès que possible suite à son expulsion puis ensuite l’insérer dans le flacon qu’ils m’envoient pas la poste. J’ai précisé tous ces details dans mon plan de naissance et ça n’a posé aucun problème dans la maternité où j’ai accouché.«
C’est aussi le choix qu’a fait Marion après avoir découvert l’isothérapie placentaire sur un groupe facebook dédié à la grossesse : « J’ai choisi plusieurs dilutions pour diverses utilisations et aussi choisi de faire de la teinture-mère pour pouvoir refaire de l’homéopathie si besoin. Il s’avère que l’échantillon prélevé n’a pas été conservé comme il fallait donc j’ai envoyé du lait maternel (c’est aussi possible) au laboratoire. »
Même expérience pour Tiffany : « J’ai été conseillée par une amie qui l’avait fait avant moi. Je me suis rapprochée de la seule pharmacie qui le propose et ils m’ont demandé de leur ramener un bout de placenta conservé au frais. On a expliqué notre souhait à l’hôpital qui ne connaissait pas cette pratique et était un peu désemparé pour nous fournir un contenant avec du placenta. Passé cela, mon mari a transmis le placenta en on nous a fabriqué plusieurs flacons avec des remèdes personnalisés en homéopathie. On les utilise dès que notre fils a un petit rhume ou toute autre maladie afin de le soigner et de renforcer ses défenses immunitaires.«
Exemples de posologies conseillées en isothérapie placentaire
Une fois que vous recevez vos flacons de granules, la posologie varie selon les cas, mais en général, les pharmaciens-homéopathes qui proposent l’isothérapie placentaire conseillent les posologies suivantes :
Remèdes conseillés pour la maman
– Pour améliorer les qualités nutritives du lait maternel, par exemple lorsque l’enfant a besoin d’un lait plus substantiel après une poussée de croissance et paraît ne plus être rassasié après la tétée, à la place d’introduire trop rapidement des compléments : remède en D6 une fois, 2-3 granules à la maman (renouveler éventuellement)
– En cas de légers troubles ou douleurs avant et/ou pendant les règles : remède en D12, 2 granules 3 fois par jour dès 3 jour avant le début des règles et jusqu’à la fin des douleurs.
– Etats d’épuisement chez l’adulte (p.ex perte d’énergie en post-partum) : 3 granules de D30 une fois par jour, à renouveler si besoin.
Remèdes conseillés pour le bébé/enfant
– Acné du nouveau-né (ATTENTION, aggravation thérapeutique possible ! Monter la dilution si nécessaire) : remède en D6 2-3 granules matin et soir
(1 jour)
– Douleurs dentaires : remède en D6 ou D8 3 granules jusqu’à 3x/jour pendant plusieurs jours (jusqu’à amélioration ou cessation des plaintes)
– Lors de refroidissements (chez les enfants/les bébés), toux, rhume, donner immédiatement dès l’apparition des symptômes : Remède en D8, 2 ou 3 granules dès les premiers symptômes puis 3 fois par jour jusqu’à amélioration.
Il existe beaucoup d’autres indications et ces posologies ne sont données qu’à titre indicatif pour vous donner un aperçu concret de comment l’isothérapie placentaire peut être mise en application.
Peu de preuves scientifiques existent sur les bienfaits de l’encapsulation et de l’isothérapie placentaire
La seule étude randomisée, en double aveugle et contrôlée par placebo qui a été mené sur l’encapsulation placentaire a révélé que la prise de pilules de placenta n’avait aucun impact sur les niveaux de fer d’une femme après l’accouchement. (1)
Une petite étude a démontré qu’après le processus de préparation, les hormones restent présentes dans le placenta. Les chercheurs ont constaté que les niveaux de progestérone et d’œstradiol sont suffisamment élevés pour provoquer des effets physiologiques lorsqu’ils sont consommés. (2)
Selon l’American Pregnancy Association, il a été démontré que l’encapsulation du placenta contribuait à stabiliser l’humeur en augmentant les niveaux d’ocytocine. (3)
En outre, cela suggère que l’encapsulation du placenta a un effet régulateur potentiel sur les hormones du post-partum, qui peuvent affecter à la fois l’humeur du post-partum et la production de lait.
Les laboratoires qui proposent l’encapsulation ou l’isothérapie placentaire ?
L’isotherapie et l’encapsulation placentaire sont des pratiques interdites en France. Mais certaines femmes parviennent à se procurer des bouts de leur placenta (avec la complicité de la sage-femme présente) et les expédient à des laboratoires belges, suisses ou allemands qui sont habilités à les transformer.
Les laboratoires qui proposent une isothérapie placentaire
✔️ En Suisse, la pharmacie Pillonel à La Chaux de fond réalise une isothérapie placentaire pour une centaine d’euros pour une tube de dilution pour les 5 premières années du bébé et un flacon de teinture-mère.
✔️ Toujours en Suisse, le laboratoire Schmidt Nagel propose aussi de réaliser une isothérapie placentaire.
✔️ En Allemagne, le laboratoire Mentop Pharma réalise une isothérapie placentaire pour environ 150 euros à partir d’un minuscule bout de placenta à envoyer immédiatement après l’accouchement par la poste dans un conditionnement adapté. Vous recevrez en retour un tube de granules personnalisé appelé mentop vac ®.
Les laboratoires qui proposent une encapsulation placentaire
Contrairement à l’isothérapie placentaire réalisé uniquement dans des laboratoires et dans des pharmacies spécialisées en homéopathie, l’encapsulation placentaire est proposée par toutes sortes de professionnels plus ou moins formé.e.s et cette pratique me semble donc plus risquée.
✔️ En Angleterre, le centre Placenta Practice propose pour environ 300 euros de vous envoyer un kit de conservation et d’envoi de votre placenta pour réaliser une encapsulation placentaire que vous recevez sous 15 jours.
✔️ En Suisse, le laboratoire Alpmed propose l’encapsulation placentaire mais aussi l’encapsulation de lait maternel.
Quels sont les risques et les limites de l’encapsulation et de l’isothérapie placentaire ?
Si vous décidez de vous lancer, vous devez savoir que l’isothérapie, et encore plus l’encapsulation placentaire, ne sont pas sans risques ni limites. Parmi ceux-ci :
✅ Le manque de preuves scientifiques : il existe très peu d’études sur l’efficacité et la sécurité de l’isothérapie placentaire. Les rares études disponibles sont souvent anecdotiques ou contradictoires. Il n’existe pas non plus de normes ou de réglementations sur la préparation et la consommation du remède.
✅ Un petit risque d’infection : dans de très rares cas, le placenta peut être contaminé par des bactéries, des virus ou des parasites lors de l’accouchement ou du transport. Si le processus de préparation n’est pas réalisé dans des conditions d’hygiène optimales, il peut y avoir un risque d’infection pour la mère ou pour l’enfant (si elle allaite). Il est donc important de choisir un laboratoire homéopathique agréé et certifié pour fabriquer son remède.
✅ Le risque d’effets indésirables : même si le risque est faible, la prise du remède peut entraîner des effets indésirables tels que des réactions allergiques, des troubles digestifs ou hormonaux. Il est donc conseillé de consulter son médecin avant de commencer le traitement et d’arrêter en cas de symptômes anormaux.
Si vous avez aimé cet article, n’hésitez pas à le partager avec vos amies enceintes ou futures mamans. Et si vous avez des questions ou des témoignages sur l’encapsulation du placenta ou l’isothérapie placentaire, laissez-moi un commentaire ci-dessous.
Anne-Laure Wright
Sources
- Rozenn Mobian. La symbolique du placenta : vers de nouveaux usages ? Étude des différentes façons d’envisager et de disposer du placenta suite à la naissance chez onze femmes francophones. Médecine humaine et pathologie. 2021. ffdumas-03446970f
- Burns E. More Than Clinical Waste? Placenta Rituals Among Australian HomeBirthing Women. J Perinat Educ [Internet]. 2014 [cité 13 oct 2019];23(1):41‑9.
- PROUST Christèle, L’objet placentaire et le mythe de l’enfant-placenta, futur héros civilisateur, Le Coq-héron, 2010/4 (n° 203), p. 108-113. DOI : 10.3917/cohe.203.0108.
- Gryder, L. K., Young, S. M., Zava, D., et al. (2017). Effects of human maternal placentophagy on maternal postpartum iron status: A randomized, double-blind, placebo controlled pilot study. Journal of Midwifery and Women’s Health 62:68-79.
- Hammett, F. S. (1918). The effect of the maternal ingestion of desiccated placenta upon the rate of growth of the breast-fed infant. Journal of Biological Chemistry, 36, 569–573.
- Marraccini, M.E., Gorman, K. S. (2015). Exploring placentophagy in humans: Problems and recommendations. Journal of Midwifery and Women’s Health 60(4): 371-9.
- Young, S. M., Gryder, L. K., David, W. B., et al. (2016). Human placenta processed for encapsulation contains modest concentrations of 14 trace minerals and elements. Nutrition Research 36(8): 872-8.
- Young, S. M., Gryder, L. K., Zava, D., et al. (2016). Presence and concentration of 17 hormones in human placenta processed for encapsulation and consumption. Placenta 43: 86-9.
Comme j’ai fait une dépression post-partum importante lors d’une grossesse antérieur, j’y penserais pour mon prochain bébé car m’a doula me l’a conseillée (en gelules). Elle m’a expliqué qu’une cure vient atténuer la chute brutale des hormones qui étaient produites dans le corps par le placenta. Son expulsion crée une période plus délicate pour le corps de la mère car pendant quelques semaines, l’équilibre hormonal est précaire avant que l’hypothalamus et les autres glandes ne viennent reprendre les choses là où ils les avaient laissées. Ainsi, les petites quantités d’hormones contenues dans les capsules viennent créer un « pont » en attendant le retour à la normale. Résultat: une maman dont l’humeur ne joue pas au yo-yo pendant une période d’adaptation rendue particulièrement difficile par la surcharge de travail et la fatigue qui s’accumule. Merci pour votre article en tous cas c’est top d’avoir des adresses de labo où on peut s’adresser.
Il y a quelques mois j’ai lu un article sur je ne me souviens plus quelle star qui avait mangé son placenta, je trouvais ça vraiment étrange. Par contre, je ne crois pas que ce sois bien pire que de manger du foie de poulet ou même de la cervelle de cochon qui on s’entend, n’avait pas l’utilité première d’être mangé. Je crois que c’est un peu comme les banques d’allaitement, dans le sens ou on a besoin de temps pour que ce sois un peu plus normalisé dans nos tête mais ca peut parfois être long. En tous cas merci pour cet article qui m’en a appris beaucoup, notamment sur le fait de transformer son placenta ou son lait en homéopathie, je ne connaissais pas du tout !
Petite mise à jour, la pharmacie Delvenne à Salzine en Belgique, m’a répondu qu’il ne pratiquait pas ce genre de préparation à la suite d’une demande d’isothérapie placentaire.
Merci beaucoup Charlotte, je modifie mon article !